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Bohème littéraire
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17 novembre 2015

LE CHAT NOIR OU L'EXPERIENCE INEDITE D'UN JOURNAL DE CABARET

           . Avis aux amateurs du célèbre matou montmartrois ! 

voici quelques mots sur le célèbre cabaret  et son journal que l'on peut désormais consulter sur le site Gallica.

 

 

Bénédicte Didier     

Le Chat Noir ou l'expérience inédite d'un journal de cabaret

 

          En novembre 1881, Rodolphe Salis crée avec le cabaret du Chat Noir un lieu multifonctionnel, ouvert sur les spectateurs du tout Paris, un territoire où l'art et la vie peuvent se rencontrer. En baptisant, en janvier 1882, un journal du même nom – Le Chat noir – Rodolphe Salis, auquel il faut associer Émile Goudeau1, permirent aux lecteurs-spectateurs de faire le lien entre les différentes activités d'un même lieu et de le promouvoir pour sa diversité et son caractère exceptionnel. Effectivement, le journal du Chat Noir est le premier à offrir aux artistes et aux lecteurs, un espace expérimental pérenne (de 1882-1895) mêlant le monde du cabaret, de la restauration et du spectacle, à celui de la presse.

 

La troupe du Chat Noir et son journal

 

          La réussite commerciale et artistique de l'entreprise de Rodolphe Salis tint non pas aux ingrédients en eux-mêmes – cabaret, journal etc...– mais en leur combinaison. Ainsi, le parisien qui trouvait le journal Le Chat noir dans les kiosques, dans les gares et dans les cafés des boulevards2, avait la curiosité de se renseigner sur le cabaret.

 

« Le Chat Noir Le Chat Noir Le Chat Noir

est le cabaret le plus extraordinaire du monde. On y coudoie les hommes les plus illustres de Paris qui s'y rencontrent avec des étrangers venus de tous les points du globe. (…) [O]n s'y foule, on s'y presse. C'est le plus grand succès de l'époque ! Entrez ! Entrez !!!3 »

 

         De même, le client du cabaret découvrait le feuillet du Chat Noir et pouvait en lire, en dernière page, la réclame aussi glorieuse que fantaisiste. L'artiste, qui faisait ses premiers pas sur la scène, intégrait lui aussi la grande « Revue du Chat Noir » et endossait le statut tout neuf d' « artiste interprète4 » de Montmartre, aux côtés du  croque-mort de la chanson, Maurice Mac-Nab et du  chauve chevelu, Marcel Legay. Tout cela autour d'une bonne table, pour y boire une « absinthe incomparable » ou pour y dîner, puisque le cabaret tenait lieu de brasserie puis de restaurant haut de gamme, à partir de 18855. Chaque soir, le public d'élite qui fréquentait le Chat Noir pouvait se sustenter confortablement l'estomac et l'esprit et goûter au plaisir des rencontres mondaines6– relevées de la maîtrise de l'à-propos et du sens de l'actualité du maître des lieux. Le Chat Noir était aussi une salle d'exposition, un musée unique de l'art de son temps où se mêlaient sans distinction de véritables chefs d’œuvres et des objets fumistes caractéristiques du désordre moderne. Un concept de plus qui fera recette et sera inauguré dans le Chat Noir sous l'appellation hybride de « cabaret-musée »  :

« Ce cabaret musée a suscité toute une fourmilière d'imitations plus ou moins réussies. Inutile d'ajouter que le cabaret du Chat Noir n'a pas de succursales7

     Le cabaret tenait lieu bien sûr de « salle de rédaction » – L'Institut – un lieu ambivalent à la fois ouvert et fermé au public, un monde autarcique paradoxalement mis en scène par l'architecture même du lieu8. George Auriol, Émile Goudeau, Maurice Donnay, non sans un goût certain pour l'auto-représentation, lèveront le voile sur les activités secrètes menées dans ce « coin dantesque » : le lecteur y découvre les dessous d'une presse forgée dans un tumulte verbal de chansons et de discussions. Un lieu de vie et de sociabilité, mais aussi un foyer de création en soi, transposé dans un autre média – celui de l'imprimé, à la fois élitiste et populaire. Le cabaret s'enracine bien dans la terre des lettres, dans le monde du livre et des mots : il en est un relais et même un « faire-valoir ». Cabaret et journal sont pour les artistes deux médias complémentaires car ce que le cabaret concède au public, le journal le défend toutes griffes dehors, se faisant une fierté de son indépendance dans le panorama littéraire de son temps :

 

« Rodolphe Salis, le fondateur du Chat Noir, journal et cabaret tout ensemble, cabaret où l'on a de l'esprit et journal où l'on consomme « sis en plein Montmartre », dit la renommée à deux pas du sinistre Alphonse et sous les pieds de la pierre de la Basilique. […] Le journal Le Chat Noir a été fondé en même temps que le cabaret héroïquement, presque sans ressources, comme le cabaret lui-même […]. Le Chat Noir est actuellement le seul journal où la vérité crue et complète puisse être dite sur les puissants Burgraves de lettres qui font tout fléchir et devant qui se prosterne avec tremblement cette lécheuse de pieds fétides qui s' appelle la Presse française9. »

 

       Comme dans une librairie10, on vendait au cabaret, en plus du journal, des revues, des livrets de chansons, des recueils de poésie. On pouvait au comptoir réserver l'Album du Chat Noir11 qui était imprimé à tirage limité. Quelquefois, salle de concert12 entièrement dédiée à la chanson et à la musique, le Chat Noir pouvait aussi, durant l'année 1891, se transformer en goguette13 et ces séances faisaient l'objet d'un compte-rendu dans le journal. Enfin, le Chat Noir devint célèbre pour son théâtre d'ombre14 – une véritable consécration lors des dernières années de son « règne » sur le public parisien.

       Ces bohèmes de tous bords réunis dans cette grande Revue de cabaret, vont joyeusement braver les règles instituées par les bureaucrates du Conservatoire et les décorés de la Comédie française pour entrer pleinement dans l'ère de la « sociabilité spectacle ». Le média de la presse sera un moyen parmi d'autres pour réaliser et consacrer leur ambition qui est de vivre leur poésie, de la réciter et de la chanter au public sans intermédiaire, sans recourir au travail d'un comédien de profession :

 

« Un terrible besoin de vie vraie, de vie grouillante, de vie poétique tenait ces jeunes gens […] Depuis […] dans l'illustre cabaret du Chat Noir, ces échappés de la bourgeoisie, ces chercheurs de chemins de traverse donnaient aux bourgeois pattus une sensation nouvelle, étrange  : de la poésie qui les prenait au passage et les tenait. […] Était-ce bien de la poésie, au fait ? Il était tellement entendu, jusque dans le clan hautain des journalistes, que la poésie devait servir à ennuyer les masses, que, du moment où elle cessait de remplacer l'opium, et où elle perdait ses vertus soporifiques, elle cessait d'être la poésie ! Peu nous importe ! Ce sont des vers puisqu'ils chantent. Et, comme les acteurs masculins ne les savent plus, je ne dis pas chanter mais dire, que les poètes entrent en scène15.  »

 

         Le « format scénique » du Chat Noir, qui suit le principe emprunté au Café-concert du « Tour de Chant », s'enrichit, en partie grâce à l'influence hydropathe, de numéros plus variés  dans un ordre aléatoire : chansonniers, poètes, musiciens, récitants y trouvent leur place. « Les  « numéros » s'enchaînent, très éclectiques, sur le principe d'une grande parade de cabaret. Les « assistants » de la séance littéraire du cabaret ont un rôle actif puisque ce sont eux aussi qui sollicitent le passage d'un artiste. On peut estimer que, lors des séances du Vendredi, le public joua parfois le même rôle.

«  Le joyeux auteur de la Muette, Alexandre Pothey a dit au grand ébaudissement de tous le capitaine Régnier et a raconté avec une bonne humeur des plus gauloises comment cette remarquable baderne sautant de grade en garde est arrivée à l'Himalaya militaire et s'est appelée colonel Ramollot.

Émile Goudeau sollicité par les trépignements de tous les assistants a redit le Chant des viveurs et la Revanche des bêtes […]. Avec une grâce exquise, et une délicatesse digne de l'hôtel Rambouillet, Georges Lorin a raconté les Dames, puis, toujours vibrant, Fernand Icres, tambourinaire parisien, a dit Ma Patrie. Après deux pièces charmantes de MM. Brieux et Le Cardonnel, M. Gnocchi a fait pleuvoir sur les assistants une averse de diamants mélodieux. Avec un art profond et un grand sentiment, M. Paul Ceste a chanté l'Invocation de Guillaume Tell […]. Georges Moynet, toujours désopilant, a dit En famille, fantaisie abracadabrante s'il en fut. Auriol a raconté fort gravement la légende du Hanap d'or et Jules Jouy, l'inépuisable humoriste, a terminé la fête en chantant1 »

Bien qu'il conserve un groupe d'habitués qui variera peu2 en 13 ans d'existence, le journal se considère lui-aussi comme un défilé de l'esprit disparate de l'époque, comme le précise Émile Goudeau : « J'ai voulu que le Chat Noir fût non un coin particulariste, mais un catalogue général3. ». Chaque artiste publié présente aux lecteurs un extrait de son œuvre (chanson, poème, chronique, conte, …) comme il le ferait face au public, sur la scène. Certains d'entre eux bénéficient, comme au cabaret, d'une présentation ou d'annonces4 pour susciter la curiosité et l'envie.  La réclame intègre le ton du bonimenteur Salis et devient même divertissante :

« La librairie Ollendorff met en vente DINAH SAMUEL DINAH SAMUEL par Félicien Champsaur – Livre, roman, poème, trou-la-la. - Révélations sur le monde artistique, la-la-ï-tou. - Des choses inouïes, renversantes ; la vie des artistes dévoilée, mise à nu. HORREUR !!! Que les femmes du monde ne lisent pas ce livre de Félicien Champsaur. DINAH SAMUEL5 »

         Les poètes entrent donc en scène, en incarnant leur rôle au cabaret, en se créant un « personnage scénique » dont chaque aspect semble être travaillé (costume, diction, accompagnement musical, expression du visage). Inspirés par les chansonniers déjà entrés en contact avec leur public, les poètes choisissent des postures macabres, comiques ou lyriques. Ce travail oral et corporel de l'artiste – la truculence périgourdine d’Émile Goudeau, le cri discordant de Marie Krysinska6, les improvisations arabesques de Charles de Sivry, « broderies adéquates et savantes sur la voix d'un récitant 7 » ou la posture amorphe du poète Franc-Nohain8 – trouvent un prolongement dans le journal du Chat Noir sous la forme de portraits et de témoignages à valeur de manifeste esthétique.

        Le journal réinvente pour cela le langage de la critique, à l'ère de la publicité : le style est hyperbolique, tout comme les postures d'artistes censées être spectaculaires. Le défilé s'accompagne d'iconographie9 et de textes flattant des performances artistiques dans des domaines très différents : Willette est «  le Michel-Ange de cette Chapelle Sixtine de la fantaisie et du scepticisme qui s'appelle […] le Cabaret du Chat Noir10», Georges Lorin « le paysagiste parisien11», André Gill « un athlète huilé de souffrance qui revient lutter dans l'arène parisienne12». L'âme de l'artiste se trouve être condensée en un trait, en une formule digne du lexique forain. L'illustration d'Uzès (fig. 1) représentant le pianiste Albert Tinchant à l’œuvre en est significative : celui-ci semble accomplir un « tour de force » faisant naître du théâtre de Guignol les figures macabres, scatologiques et fantastiques du futur théâtre d'ombre. Le dessin suggère aussi l'imbrication de deux univers : au premier plan les artistes, le regard intense, plongés dans la musique, imprégnés de leur art, et, à l'arrière-plan, l’univers onirique et fou dans lequel ils souhaitent entraîner leur public. La mise en abîme de la représentation théâtrale est bien caractéristique de cette confrérie chatnoiresque qui s'expose et simultanément se regarde, s'analyse dans son propre « journal-miroir ».

         L'artiste du Chat Noir est toujours polyvalent sur le modèle du maître de la piste, Rodolphe Salis13 (fig. 2) qui fut orateur, acteur, humoriste, collectionneur, journaliste et hôtelier. L'artiste cabaretier est convié à participer à des « prestations collectives » – chansons, albums illustrés de vers, de musique, de dédicaces. Au-delà de la prestation pour laquelle il est admiré et distingué, l'artiste du Chat Noir incarne un « art nouveau » – un art total qui serait la fusion de toutes les pratiques artistiques. Maurice Rollinat en est l'icône. Ce poète moderne, révélé par la scène, est peint avec fascination : l'artiste-interprète qu'il devient explore la rencontre de la frénésie du verbe, du geste et de la voix : « tout cela flambe et se transfigure quand Rollinat est saisi par ces trois mains de la poésie, de la musique, de la mimique14 ». 

         Le succès du cabaret venant, l'équipe de rédaction cherche à son tour la « performance » et n'hésite pas à relayer les mystifications assez spectaculaires du cabaret (la mort de Rodolphe Salis15, le coup d'état du 2 novembre 188216, sa présentation aux élections17) ou à se travestir pour dérouter les lecteurs : le journal est, à l'occasion, l'organe des Becs Salés18, membre de l'association de Frédéric Mistral19 « être félibre ou mourir ». La troupe évolue et s'enrichit d’auteurs et illustrateurs à succès, suivant la renommée du cabaret. Les meilleurs artistes-interprètes du cabaret passeront du spectacle vivant à la mise en scène journalistique ou inversement : Coquelin Cadet fut d'abord le monologuiste du Chat Noir avant d'être publié dans le journal20, Maurice Donnay écrivit des poèmes avant d'être mis à l'épreuve au cabaret devant un public d'initiés21. Par la réclame et la chanson, les récits et les portraits, la rédaction du Chat Noir coopère au succès d'un répertoire et d'une personnalité.

               A l'opposé de ces édifiants portraits, la troupe du Chat Noir organise dans ses pages un véritable jeu de massacre dans une ambiance de fête foraine populaire qui n'échappe pas à une certaine violence verbale. Les parvenus des lettres, les Romantiques, les Parnassiens et les Naturalistes en sont les cibles : « le fossile poète impérial M. de Fontanes », Alexandre Dumas fils, Georges Ohnet  ou Émile Zola, transformé par la verve fumiste des rédacteurs du Chat noir en personnage bouffon ; on le dit « crapuleux 22» et « imbécile23 ». L'équipe du cabaret-journal fait de la provocation un jeu de scène. Il s'agit pour le Chat Noir de faire démonstration de son caractère : « Il en est un autre danger que je signale à ces jeunes gens. Ce serait de déplaire au Chat Noir et de se mettre à portée de ses griffes.24 ». De même, la « dramaturgie » bohème intègre les attaques les plus virulentes pour en faire le moteur d'un grand divertissement carnavalesque. Les procès que l'on fit au Chat Noir, les courriers agressifs des mécontents nourrissent une verve collective revivifiée par l’offense :

« M. Chambardon est vexé parce que l'on prouve qu'il est un Jésuite, un proxénète, un voleur, un architecte sans talent, un cocu, un faussaire. Comprenez-vous de semblables susceptibilités ? Quel est le bourgeois qui n'est pas comme lui ?25 »

     Le collectif du Chat Noir a donc mis au premier plan de sa scène bien plus qu'une posture, des caractères : à compter de ce moment, l'art doit s'incarner face au public qui demande à le rencontrer et l'artiste, tel un comédien, doit se forger un personnage. C'est l'apogée du « personnalisme » évoqué par Émile Goudeau26.

Le public entre en scène

        Dès les premiers numéros, Le Chat Noir-journal sublime le cabaret montmartrois pour en faire, par la fiction, un véritable palais baroque, un lieu hors du temps et de l'espace, hors des repères sociaux – jonglant avec les codes de la culture populaire27 et de l'élite bourgeoise28. Du cabaret au journal, le spectacle continue : on y lit des chansons, des poèmes licencieux, on y voit des caricatures, des scènes cocasses et de jolies femmes légères. Les références aux icônes du « chat noir » et de Montmartre visent un goût universel, celui de la beauté, de l'art et des plaisirs. Le premier numéro du 14 janvier 1882, à valeur programmatique, entend ratisser plusieurs « publics » : les nostalgiques d'une France Louis XIII, les anciens communards rassemblés sur l'air de « La mère (Louise) Michel » (« Allez la mère Michel votre chat n'est pas perdu »), les hydropathes qui reconnaîtront sans doute leur hymne composé par Goudeau, « Les Polonais », les bohèmes « porteurs de lyres ou de crayons » fuyant le banquier au cours d'une Ballade signée Eugène Torquet, et tous ceux qui aspirent à la gaieté avec les reportages parodiques d’Émile Goudeau (A'Kempis) sur les « États-Unis de Paris » ou le récit de Rodolphe Salis – pastichant le Chat noir d'Edgar Poe et le poème « Midi » du Parnassien Lecomte de Lisle. L'équipe de rédaction ouvre ses pages aux brèves de comptoir29 rappelant le goût de la clientèle du cabaret pour les conversations drôles, émaillées d'à peu-près et d'allusions souvent caustiques à l'actualité. Le client assoiffé et en quête de divertissement trouvera des réclames qui lui conviendront – pour des lieux de plaisir «  à visiter absolument : La Grande Pinte – taverne Henri IV – Musée intéressant. Patron davantage. 28 avenue Trudaine – Grand choix de consommations » ou pour les  « grands  magasins des nouveautés de la Place Blanche ». Le Chat Noir s'adresse aussi aux artistes, dès 1882, pour promouvoir la professionnalisation de ces métiers du spectacle qui passent du monde de la rue à celui des cabarets chics de la capitale : une Nouvelle Agence Musicale du Monde artiste, 17 rue Pigalle, accueille les instrumentistes, chanteurs et comédiens de salon recherchant un engagement.

            Cette proximité avec tous les publics, avec qui on partage l'intimité du lieu du cabaret, se retrouve dans une forme d'écriture dialoguée qui les prend toujours en considération : « Ami lecteur, je vous engage, dans votre intérêt, à demander à les voir 30», écrit Émile Goudeau à propos des faux manuscrits de son pseudonyme « A'Kempis ». Cet appel à tous est résumé dans l'illustration prophétique et à double sens de Rodolphe Salis, représentant un chat noir photographiant l'univers : « Ne bougeons plus ! Tout le monde y passera 31». Les pratiques discursives du cabaret (l'accroche foraine du cabaretier, l'invective du client aviné, les conversations animées des buveurs) sont intégrées au journal et renforcent « le lien social » avec les lecteurs de tous bords. Devenus des destinataires privilégiés, des clients à fidéliser, les lecteurs sont aussi des « témoins » à qui l'on raconte tantôt les difficultés d'une vie de bohème, tantôt des anecdotes « intimes » souvent mystificatrices.

« Un quidam du nom de Renaud Salis se fait passer depuis quelques temps pour notre dessinateur Doès. Nous le prions charitablement d'avoir à cesser ce genre d'exercice qui n'a rien d'honorable pour nous et qui pourrait lui valoir avant peu notre visite. Nos lecteurs nous sauront gré de les avertir que nous n'avons d'ailleurs jamais rien eu en commun avec ledit quidam.32 »

         Par le ressort de la fantaisie et de la fiction, le journal projette dans son lecteur un type de personnage auquel il s'adresse par l'entremise de ses chroniques ou de ses entrefilets - bourgeois curieux désirant s'encanailler, client raffiné du cabaret-chic, ou jeune artiste en quête de légitimité.

«  Jeune homme, toi qui prétends devenir penseur estimé, poète lauréat, romancier accepté des foules, dramaturge acclamé du Tout-Paris, chasse de ton âme toute pensée, tout rêve, toute fantaisie qui sort de l'ornière.[...] Mais, si, de hasard, tu veux t'aventurer seul et sans uniforme dans la mêlée, sois assuré mon petit, que tu seras traité par tous les combattants littéraires en simple chouan, en franc-tireur non reconnu comme belligérant et tu seras fusillé carrément, si l'on te prend la plume à la main. Si tu ne redoutes pas ce destin, et si tu espères éviter ce dénouement, fais-toi bandit et pirate, tape sur tout le monde33 ».

         Le journal fraternise avec ses lecteurs, renforce le lien qui les unit dans une mise en scène familière : tutoiement, invective, apostrophes (« écoute, peuple de Montmartre34 »), formules d'affection (« ne l'oublions pas, mes frères35 », « chères lectrices36 » etc.), style truculent («  seulement, si vous croyez que ça s'organise facilement un ministère, vous vous plongez le doigt dans l’œil jusqu'aux aisselles37 »). Le lecteur est mis dans la confidence : on lui dévoile des « stratégies de reconnaissance », les coulisses de la  vie de bohème.

            Tel l'artiste face au public du cabaret, l'auteur donne également au lecteur un rôle participatif : on sollicite sa collaboration dans certaines rubriques (le « casse-tête hebdomadaire », la « bibliographie 38») ou pour étoffer le contenu du journal :

« Nous prions instamment nos lecteurs de vouloir bien nous envoyer les communications qu'ils croiront pouvoir intéresser tout particulièrement Montmartre, soit au point de vue édilité, salubrité, en un mot de ses intérêts généraux. Nous les recevrons avec beaucoup de plaisir39. »

On se montre également attentif à ses demandes : « sur le désir exprimé par de nombreux lecteurs, nous publierons les résultats des courses pour tous les jours de la semaine....40 ».

              Les rôles attribués aux lecteurs-spectateurs du journal, dans les textes et dans les illustrations, témoignent de l'ambiguïté de cette relation à la clientèle : est-on au Chat Noir considéré comme « un frère », « un compagnon de lutte », ou n'est-on considéré que comme un consommateur ? La question se pose si l'on analyse les représentations que fait le journal de sa « clientèle ». Dans l'imaginaire de Willette, Pierrot est le type même du lecteur du Chat Noir, un jeune homme libre, indépendant. Moderne et bohème, c'est un rêveur, à qui il arrive beaucoup d'ennuis par la faute des femmes ou du fait de sa propre maladresse. Mais, pour Steinlen, le type même du « public » fin de siècle pourrait bien être ce bourgeois placide et somme toute indifférent aux gesticulations de l'artiste devenu une attraction41 comme une autre. Tel un reporter mondain, Henri Rivière « croque » pour sa part les  clients  du Chat Noir en silhouettes élégantes et raffinées42. Grâce au journal, les artistes ont la possibilité de « se mettre à distance » du spectacle donné au cabaret : après l'échange du spectacle vivant, viennent l'analyse et le ressenti artistique qui traduisent la complexité d'une relation basée sur la dépendance économique. Le lecteur-spectateur a donc plusieurs facettes : il est une cible, un relais publicitaire, un ennemi et un complice.

 

De la scène du cabaret aux pages du journal : transposition et influences

 

           La relation avec le public dans ce cabaret-théâtre permet à l'esprit satirique de se faire une place de choix. La troupe du Chat Noir comprend que le public vient au cabaret pour entendre une libre-parole : ainsi les artistes chercheront à cultiver cet esprit boulevardier43, en attaquant les uns, et en séduisant les autres par des moyens de communication divertissants et des formes d'humour variés : monologue fumiste, jeux de mots, à peu près, sketch, canulars. Pour autant, Le Chat Noir ne sera pas à proprement parler une revue satirique même si l'on y retrouve – particulièrement entre 1882 et 1884 et durant l'année 1889 – des textes et des caricatures fidèles à « l'esprit des chansonniers ». En intégrant à plusieurs reprises l'espace ouvert de la rue à leurs manifestations44, la troupe du Chat Noir affirme son ambition de sortir l'art des domaines et des lieux qui lui étaient réservés et d'en faire un objet collectif et protéiforme porteur d'un regard sur ses contemporains. Le temps d'un spectacle, les codes qui régissent les rapports entre les classes sociales sont abolis, les artistes-comédiens et Salis lui-même jonglent en permanence entre l'humour et la violence : « [Salis] avait la parade agressive, flétrissait la haute banque et le parlementarisme et le monde, le demi-monde, tout le monde45.  ». Dans le journal, l'équipe de rédaction propose des articles satiriques qui balaient largement toutes les opinions de l'époque : patriotique, nationaliste, anti-germaniste, antimilitariste, xénophobe, anticléricale. « [R]ailler tout le monde sans blesser personne46 », écrivait Edmond Deschaumes. Échappant à la censure grâce à son humour et à ses appuis47 ainsi qu'à toute tentative de « classification », le Chat Noir choisit de préférer l'humeur à l'opinion. Ainsi, les stratégies de communication du cabaret et du journal reposent davantage sur le contournement par l'ironie et la fantaisie, plutôt que sur l'affrontement ou l'enrôlement. Les artistes du Chat Noir se réfugient souvent dans le rôle de « l'anarchiste sceptique » – figure apolitique permettant de tout dire et de rire même de sa propre image48. L'autodérision est omniprésente et reste la posture la plus fréquemment adoptée par les artistes du Chat Noir. « Tel le lion sois calme dans ta force. Un coup de griffe, négligemment, de temps en temps et que ça en demeure là »49,   conseillait Alphonse Allais, rédacteur en chef du journal à son successeur Léon Gandillot.

            La relation de la salle et de la scène du cabaret se transpose dans le journal lui-même à l'aide de sketchs et de chansons invitant le lecteur à entrer en communication avec l'univers du spectacle, à sortir du monde figé de la presse. On imprime dans des suppléments illustrés (parfois en couleurs) les partitions d'une musique de Léopold Dauphin50, de George Fragerolle51 ou, dans le même numéro, une « Christmas Song » de George Auriol. Les formes de la communication orale constituent le répertoire privilégié du journal. Ce réseau d'artistes s'est donc avant tout forgé dans l'exercice de la parole : il faut au cabaret dire ses textes, les chanter, « tenir le crachoir », parfois on y « gueule », on joue avec les mots par des calembours, des doubles sens, on y parle la langue de la rue, on joue avec les accents des uns ou des autres. Ce tumulte verbal fait toute la vitalité du cabaret puis du journal qui intégrait les formes de l’échange oral aux genres de l’écrit, le peuple des boulevards aux Parisiens des beaux quartiers. Les œuvres de Jean Richepin52, de Jules Jouy nous le rappellent53. Les fausses dépêches « mégaphototophonique »54 annonçant le mariage de Sarah Bernhard avec Félicien Champsaur, les chansons55 appelant au rassemblement épicurien, la rubrique mondaine des petites correspondances, les dialogues savoureux des poètes du boulevard Rochechouart56 intègrent la langue orale à l'écrit dans un mimétisme assumé dont voici un exemple : «  Donc on s’assoit. François apporte des bocks, et voici textuellement la conversation sténographiée par Signac57. » Les artistes lancent aussi la mode du monologue littéraire habituellement écrit pour être interprété sur scène par un comédien : c'est le cas par exemple d'Alfred Bejot qui écrit « La peur bleue d'un lancier vert » pour le comédien Galipaux. En apostrophant le lecteur comme s'il se trouvait au cabaret, l'auteur expérimente le réalisme conversationnel58 qui connut tant de succès dans les pages du Chat Noir :

 

« Vous connaissez n'est-ce pas, la Nuit blanche d'un Hussard rouge ?

On ne parle que de ça.

Cette machine-là vous a fait bien rire, hé ?

C'est drôlement conté … et pas trop mal dit.

Écoutez maintenant la Peur bleue d'un lancier vert, et comparez59. »

 

       La recherche d'une langue nouvelle, qui serait une forme hybride de l'écrit et de l'oral, met à profit la beauté des expériences sonores du cabaret associant poésie et musique, poésie et chanson. Une beauté métissée, dont il ne reste que quelques rares témoignages, hante encore les pages du journal avec ce portrait d'une poétesse-diva, figure éminente du cabaret :

 

« Vl'à Krysinska, dans sa robe d'aurore,

(Chante, ô mon Luth, et vous sonnez, sonnets)

Pour célébrer la diva qu'il adore,

Tout le Chat Noir répète en polonais ...

Encore un coup d'aile dans l'bleu etc. 60 »

 

            La brièveté des publications du Chat noir renvoie aussi aux exigences des prestations faites au cabaret. Les propos doivent être brefs tout en marquant les esprits par des images poétiques frappantes ou par une pointe d'humour qui suscite les applaudissements. Ces « fulgurances » se déploient dans le journal sous la forme de contes désopilants ou poétiques d’Henry Somm61 et de George Auriol, de « Demandes et offres d’emploi62 » fumistes, de « Bouquets de pensées63 », de  « Pantomimes express64 ». En privilégiant un grand nombre de séries illustrées ou non - « les Mémoires du Chef de la sûreté de la commune » de Philippe Cattelain, « La Revanche du Guillotiné », « Les Juges » de Georges d’Esparbès, le « Bateau Fleurs naïf roman » de George Auriol, les fabliaux de Rodolphe Salis, les « Proses sans poésie » de George Auriol, les aventures de Pierrot  de Willette ou celles du Chat de Steinlen – les artistes proposent à leurs lecteurs une approche nouvelle de la littérature et des arts. Conçus pour divertir, ces récits s'offrent à une lecture-plaisir, instantanée, addictive. Fort de ces stratégies de fidélisation de la clientèle inspirées par la presse populaire, le Chat Noir transpose le sketch  de l'artiste comique de cabaret à l'univers du poète, du conteur et du dessinateur. Les « histoires vengeresses » de Théophile-Alexandre Steinlen65et les contes d’Alphonse Allais portent en germe les gags du cinéma burlesque66.

           Comme il convenait alors dans tout cabaret artistique, l’œuvre des peintres était bien plus qu'un simple décor. L'iconographie accompagne le spectateur dans un voyage au cœur de l'esprit fin de siècle. Elle est un élément fondamental de la scénographie bohème, aux croisements du théâtre populaire et des arts forains. L'omniprésence du chat noir, icône démultipliée dans le cabaret67, est presque hypnotique. Tous les sens sont sollicités et en particulier la vue par les couleurs, les arabesques, le jeu des ombres et des lumières. Le journal se saisit de cette attractivité visuelle pour plaire au plus grand nombre. Sur son papier vieil ivoire, il imprime, en plus d'illustrations en pleine page, des typographies soignées adaptées au style ou au genre de texte et toutes sortes d'ornements : des lettrines d'un style médiéval, des fleurons et culs-de lampe, des bandeaux et des vignettes représentant des personnages amusants (comme le chat noir, icône publicitaire que l'on déguise et que l'on met en scène). La rencontre des poètes, des chansonniers, des musiciens et des artistes peintres se concrétisait par la création d’œuvres collectives : les livrets de chansons ou du théâtre d'ombre étaient richement illustrés, l'Almanach ou l'Album du Chat Noir68 magnifiait le travail des graveurs en proposant une collection d’œuvres plastiques et littéraires inédites pour la plupart, enfin le journal illustré du Chat Noir, par le défilé des illustrateurs, était un véritable catalogue de l'iconographie de la presse des années 1880-1890. La réunion de tous les talents du Chat Noir permit aussi de créer de nouveaux genres comme les « albums de chansons » mêlant le travail du vers, du dessin et de la musique :

 

«  Sous ce titre original Toute la gamme, Marcel Legay, publie un ravissant album de mélodies délicieusement brodées sur les jolis vers de Richepin, Sylvestre, de Banville, etc., etc. Jamais le sympathique compositeur n'a été mieux inspiré. C'est d'un art personnel, délicat, attendri qui accuse chez le maestro une variété et une puissance d'inspiration rares à notre époque de creuses symphonies et d'exotiques fanfares. De superbes dessins signés Somm, Steinlen, Quinsac, Delpy, Rivière, Heidbrinck, ajoutent à l'attrait de cette exquise publication69. »

 

         L'influence du cabaret sur l'iconographie se lit en particulier dans les recherches graphiques de Willette, de Steinlen et de Doès autour de l'animation. Celles-ci témoignent de l'importance de la mimique et de la gestuelle sur la scène du cabaret. Rodolphe Salis lui-même est croqué70 dans ses postures et ses contorsions adressées au public. Par la représentation de corps souples, de gestes dynamiques, de chutes, de mouvements en spirale ou en zigzag, l'image fixe expérimente ses propres limites. Celle-ci annonce de nouvelles conquêtes comme la bande-dessinée  (on peut lire, sous la plume de Steinlen, l'un des premiers phylactères de l'histoire du 9e art attribué à un cheval susceptible71 (fig. 3), mais aussi des cadrages innovants, l'ébauche de traits cinétiques72), le théâtre d'ombres et plus tard le cinéma qui en est une suite logique.

Le travail commun des artistes aboutit à un rapport complice entre textes et images73 sous la forme de « monochromes », de « vitraux », d’ « émaux » poétiques. Les arts entrent dans un jeu de correspondances assez singulières qui imprègnent plus généralement le climat artistique « synthésophile » de la fin du XIXe siècle : nous pourrions citer maints exemples du japonisme littéraire de Georges Auriol, de l’impressionnisme poétique de Marie Krysinska ou du romantisme macabre et crépusculaire de Willette. Le « spectacle total » du cabaret inspire le journal qui le célèbre par la couleur  : « Sonnet bleu-or » de Vincent Hyspa, « Madrigal noir » de Fernand Icres, « Symphonie en gris » de Marie Krysinska, « Arc-en-ciel pour dames » de George Auriol ... Le « jeu de mots pictural » parfois pratiqué par Willette (« Les petits oiseaux meurent les pattes en l'air74 »), maître de la  poésie expressive du pinceau met en pratique le double langage du texte et de l’image dans un même esprit.

 

En citant leurs confrères ou amis, en s'imitant, la confrérie chatnoiresque témoigne de la complicité du groupe et des influences que chacun pouvait exercer sur la création de l'autre. L'auto-célébration est effectivement au cœur du dispositif bohème. Ainsi, dans le journal, le style médiéval est multi-référentiel car tous les artistes y contribuent : le cabaret Louis XIII le magnifie par son décor, les dessinateurs Albert Robida et Henri Pille y puisent leur inspiration, les fabliaux de Salis et George Auriol font renaître son langage truculent et Paul Marrot en fait des poèmes. Nous retrouvons ces « jeux de citations » avec le style japonisant prisé entre autres par Steinlen, George Auriol et Henri Rivière. Les artistes du Chat Noir aiment se pasticher avec esthétisme et humour : lorsque Henry Somm imite dans le conte « Hu-yo-katzi 75» (fig. 4) le style des contes orientaux de George Auriol (regroupés sous le titre de « Sizains d'écran »), celui-ci lui renvoie un amical salut artistique en lui offrant une mise en page et une illustration remarquables. Auparavant, en 1888, le même Henry Somm avait fait paraître une pièce, Avant le Salon, jouée au cabaret et pastichant les artistes favoris du lieu :

 

« Tous les soirs, grand succès de AVANT LE SALON la nouvelle et si amusante pièce de notre collaborateur HENRY SOMM. Les peintres eux-mêmes viennent applaudir chaque jour les pastiches de leurs œuvres, en compagnie du public si artistique du Chat Noir.76 »

Encouragés par cette dynamique collective, les artistes du Chat Noir coopèrent pour concevoir des numéros illustrés de qualité :

« Le prochain numéro du Chat Noir contiendra un double numéro en couleur de notre collaborateur Doès : La triste fin d'un charcutier de Franckfort. Ce dessin, où Doès a réunis [sic.] les types les plus grotesques du pays de la choucroute, obtiendra, nous en sommes certains, un grand succès de gaieté. Ce numéro spécial sera en outre orné d'une série de croquis dus aux crayons de nos collaborateurs.77 »

 

        Combinant les talents comme les activités, le journal propose à ses lecteurs une fusion entre les arts du spectacle et ceux de la plume et du pinceau. La vie trépidante de la bohème, les manifestations épileptiques78 des chanteurs de cabaret, le ballet des personnages dans la rue, puis sur la scène contaminent texte et images : le bricolage des genres, les collages éclectiques des textes sur la page ou encore le « style pierroglyphique » s’y expriment à foison. Enfin la dimension érotique du spectacle régénère et inspire la troupe du Chat Noir, y compris dans sa relation au public, puisqu'elle offre à voir et à lire du plaisir sans censure, et du plaisir sublimé par la vision artistique du poète ou du dessinateur. Le journal du Chat noir est bien le seul dans le champ littéraire à se permettre, grâce à sa réussite et à sa situation exceptionnelle au cœur de Montmartre, un tel déploiement d'images et de textes autour de la femme et de la sexualité. Valorisé par le trait et le style, cet érotisme littéraire et artistique se distingue des obscénités du café-concert même si les artistes y voient l'occasion d'être à nouveau transgressifs par les sujets abordés et par le langage lui-même. Le lecteur-spectateur du cabaret retrouve, non sans fascination, « une parole vraie », à l'opposé d'une presse officielle ou des lieux de divertissement ordinaires. Les artistes créent de nouveaux personnages (l'acrobate-contorsionniste ou la danseuse79, l'androgyne saphique80, la demi-mondaine81, la beauté des colonies82) et des mises en scène très chorégraphiées qui inspireront bientôt les fondateurs des Revues de music-hall et leurs vedettes féminines.

 

          Le Chat Noir est une institution, à l'identité forte – une exception culturelle française de 1881 à 1897 – ainsi qu'un précieux champ d'expérimentation. Non formatée, elle offre une pluralité de formes et d'innovations dont nous ne pouvons, en quelques pages, faire le tour. En limitant notre analyse aux relations que le journal a entretenues avec le monde du cabaret et du spectacle, nous avons voulu mettre en évidence la richesse des échanges littéraires et artistiques entre les artistes eux-mêmes mais aussi l'importance des interactions entre la « confrérie » du Chat Noir et son public. Le succès du double dispositif de la revue et du théâtre ou du cabaret fit fureur en cette fin de siècle et le modèle du Chat Noir s’exporta en dehors de nos frontières, notamment en Suisse avec Le Sapajou83en 1896, et en Espagne, avec Els Quatre Gats, cabaret inauguré en 1897 à Barcelone ou encore à Berlin. Le Chat Noir devint enfin un modèle d’intégration sociale pour l’artiste polyvalent qui y entrait en contact avec le public, profitait de ses réactions spontanées pour y perfectionner son art et le rendre légitime.

 

                                                                                    article    de    Bénédicte DIDIER

1 « Chat Noir-Mercredis », ibid., n° 103, 29 décembre 1883, p. 204.

2 Les postes de rédacteurs en chef ont été occupés assez durablement par Émile Goudeau (1882-1884), George Auriol

(1885-1886), Alphonse Allais (1887-1891) et Léon Gandillot (à partir de 1891).

3 GOUDEAU Émile, « Bulletin politique », Le Chat noir, n° 100, 8 décembre 1883, p. 190.

4 Réclame par un entrefilet, en première page, annonçant une publication importante : «  lire dans le numéro du Chat Noir : Victor Noir Souvenirs historiques d'André Gill » ibid., n° 18, 13 mai 1882. La réclame sert aussi à « allécher » le lecteur en lui proposant un extrait inédit, quelques jours avant la publication de l'ouvrage : « Du roman de Félicien Champsaur, Dinah Samuel, nous extrayons ce passage en primeur pour nos lecteurs du Chat Noir », CHAMPSAUR Félicien,  « Plaisirs d'amours perdus », ibid., n° 16, 29 avril 1882, p. 2.

5 Réclame, n°20, Le Chat noir, 27 mai 1882, p. 4.

6 GADEN Élodie, « Marie Krysinska, vers une poésie scénique ? », dans Marie Krysinska (1857-1908) : innovations poétiques et combats littéraires. [Éd. d’Adrianna Paliyenko, Gretchen Schultz, Seth Whidden, Michel Murat], Presses de l’Université de Saint-Étienne, 2010, p.65-74.

7 DONNAY Maurice, Autour du Chat Noir, « Souvenirs », Grasset, coll. Les Cahiers rouges, p. 43.

8 Ibid., p. 46-47.

9 UZÈS, « Le guignol du Chat Noir », ibid., n° 216, 27 février 1886, p. 658. Le pianiste Albert Tinchant, poète des « Sérénités », charme le public, un chansonnier à ses côtés, et semble faire apparaître les énigmatiques fantasmagories du théâtre d'ombre.

10 BLOY Léon, «  Le Neveu prodigue », ibid., n° 100, 8 décembre 1883, p. 190.

11 BLOY Léon, « Fleurettes à l'idole », ibid., n° 128, 21 juin 1884, p. 302.

12 LE CHAT NOIR, «  La résurrection d'André Gill », ibid., n° 102, 22 décembre 1883, p. 198.

13 Citons en particulier deux illustrations : Uzès, « Le Pique Assiette », n°98, 1883 et Steinlen, « Un discours de Rodolphe Salis », n°251, 1886.

14 BARBEY-D'AUREVILLY Jules, « Maurice Rollinat », ibid., n° 22, 10 juin 1882, p. 2.

15 Numéro spécial du Chat noir consacré à la « mort » de Rodolphe Salis, n° 15, 22 avril 1882.

16 Numéro spécial du Chat noir, racontant le coup d'état du 2 novembre 1882, n°42, 28 novembre 1882.

17 Numéro spécial du Chat noir, évoquant la candidature de Rodolphe Salis, n°122, 10 mai 1884, p. 280.

18 Numéro spécial du Chat noir consacré à la tribu parisienne des Becs Salés, n°21, 3 juin 1882.

19 Numéro spécial du Chat noir, du 24 mai 1884, en hommage à Frédéric Mistral reçu à Paris. Pour l'occasion, Henri Pille change le frontispice du journal en représentant le « matougot » montmartrois illuminé d'un majestueux soleil.

20 COQUELIN CADET, « L'Entomologiste- Hist. Nat. D'après Buffon », ibid., n° 105, 12 janvier 1884, p. 8.

21 DONNAY Maurice, Autour du Chat Noir, Paris B. Grasset, coll. Les cahiers rouges.

22 BLOY Léon, « Les Représailles du sphinx », Le Chat noir, n° 127, 14 juin 1884, p. 298.

23 TRUDAINE DE LAVENUE, « Grand Reportage – La Statue de Balzac », ibid., n° 75, 16 juin 1883, p. 89.

24 BLOY Léon, « La Revanche de Cham », ibid., n° 99, 1er décembre 1883, p. 186.

25 XXX, « Notre Procès », n°17, 25 février 1882, p. 1-2.

26 GOUDEAU Émile, « S’il y a au monde une chose que nous aimions par-dessus tout, par-dessus le vrai, le bien et le beau, par-dessus nos propres vers et notre prose (voyez si nous allons loin), c’est l’originalité : le personnalisme, véritable étiquette d’une école qui a la prétention de renverser les écoles », « L'Hydropathe Rollinat », Les Hydropathes, n° 8, 5 mai 1879, p. 2.

27 L'implantation du cabaret à Montmartre, le jeu de mot grivois sur le chat noir assimilé au sexe féminin, la parution d'un certain nombre de caricaturistes populaires comme André Gill, les chansons à boire, l'intégration de l'argot dans certains textes constituent des références à la culture populaire.

28 La venue de poètes renommés, les innombrables références à une culture savante et même la composition du journal illustré prouvent que le Chat Noir intègre pleinement les codes de la bourgeoisie.

29 ODIO, « De ci, de ça », Le Chat noir, n°1, 14 janvier 1882, p. 4.

30 GOUDEAU Émile [A'Kempis], « Avis », ibid., supplément du n°1, du 14 janvier 1882, p. 4.

31 SALIS Rodolphe, « Notre programme », ibid., supplément du n°1, 14 janvier 1882, p. 1.

32 Entrefilet, ibid., n°517, 12 décembre 1891, p. 1868.

33 GOUDEAU Émile, «  Bulletin littéraire du Chat Noir », ibid. n°84, 18 août 1883, p. 125.

34 GOUDEAU Émile, « Il faut lutter », ibid., n° 13, 8 avril 1882, p. 1.

35 CORELLI, « Bavardages », ibid., n° 53, 3 février 1883, p. 14.

36 MARTHOLD Jules de « Document humain », ibid., n° 13, 8 avril 1882, p. 2.

37 M. IRLANDE, « Enfin !», ibid., n° 57, 10 février 1883, p. 18.

38 « À partir du prochain numéro, le CHAT NOIR publiera chaque semaine un compte rendu détaillé et analytique de tous les ouvrages dont un exemplaire aura été déposé à la rédaction au 84 boulevard de Rochechouart. » RIVIERE Henri, « Bibliographie », ibid., n°25, 1er juillet 1882, p. 2.

39 Entrefilet, ibid., n°6, 18 février 1882, p. 1.

40 Entrefilet, ibid., n° 433, 3 mai 1890, p. 1534.

41 STEINLEN Théophile-Alexandre, « Le Poème de Carolus Bengali », ibid., n°133, 26 juillet 1884, p. 323.

42 RIVIÈRE Henri, « L'Ancien Chat Noir », ibid., n° 179, 13 juin 1885, p. 507.

43 NIVERSAC Léo, « Ce boulevard est et sera toujours la tribune unique de l'esprit, - non pas parisien » mais français. Et chacun de nous – quoiqu'en puisse dire les parvenus de lettres – doit être fier de participer à une éclosion, à une manifestation de l'esprit français. », « Bulletin du Chat Noir », ibid., n°134, 2 août 1884, p. 325.

44 Dans Feu Pierrot, Paris, éd. H. Floury, 1919, Adolphe Willette raconte que durant la belle saison, la terrasse était préférée à l’intérieur : les artistes du cabaret fraternisaient également avec les passants amusés. Ils se mirent en scène dans les rues de Montmartre à plusieurs reprises sous la forme de défilé : il y eut par exemple le cortège qui accompagna le déménagement du Chat Noir puis l’enterrement de Salis dont la mise en scène était soignée : déguisement de Paul Signac en religieuse, pancarte à l’entrée du cabaret « ouvert pour cause de décès ». On peut mentionner aussi le défilé déguisé des membres du « Dîner de la soupe et du bœuf » dont le fondateur était Jules Jouy et le porte-drapeau, Willette et d'autres initiatives comme les « Déjeuners sur l'herbe » du Chat Noir au mois de juin 1884.

45 DONNAY Maurice, Autour du Chat Noir, op. cit., p. 33.

46 DESCHAUMES Edmond, « Les Modernistes », ibid., n°17, 6 mai 1882, p. 2.

47 Voir PILLET Élisabeth, « Cafés concerts et cabarets », in Romantisme, 1992, vol. 22, n°75, p. 45 : « Quand la Préfecture de police voulut poursuivre Le Chat Noir, elle se trouva en présence d'influences puissantes ...parmi lesquelles le Président du Conseil lui-même. ».

48 LEHARDY Jacques, « De la Révision » (note pour le directeur), ibid., n° 65, 7 avril 1883, p. 52. « En vain le directeur du Chat Noir a donné dans les colonnes de son journal l'hospitalité à de jeunes intelligences qu'il a tenté d'arracher à la névrose, - il n'en reste plus que les squelettes grimaçants derrière les vitrines de son cabinet de travail – en vain il a voulu rénover la forme et le fond de l'expression humaine, malgré tout son zèle, toute son ardeur, toute son énergie, il n'est arrivé aujourd'hui qu'à voir le rédacteur en chef de son journal se pourlécher les moustaches en célébrant l' « Anarchisme » ! ».

49 ALLAIS Alphonse, « Lettre à Léon Gandillot », ibid., n° 514, 21 novembre 1891, p. 1.

50 DAUPHIN Léopold, «  Cloches, Carillonnez gaiment », ibid., n°414, supplément 21 décembre 1889, p. 1454.

51 FRAGEROLLE Georges, « Noël » [paroles d'Adrien Dézamy], ibid., p. 1455.

52 RICHEPIN Jean, « Les Étrennes du pauvre », ibid., n°92, 1883, p. 158.

53 JOUY Jules, « Le Petit Rentier-Chanson », ibid., n°90, 1883, p. 1. Citons également « Le Dialogue des Vivants » de Jules Jouy (série parue en 1883 aux numéros 61, 65, 71, 73).

54 POILOPOT, « Dépêches mégaphotophoniques - Mariage d'Angèle par Sarah Bernhardt fil spécial du chat noir », ibid., n° 14, 15 avril 1882, p. 1.

55 Les chansons du Chat Noir ont un tel succès qu'elles revendiquent avoir été produites au cabaret : citons par exemple la réclame pour Les Chansons du Chat Noir par Jules Jouy, vendues au numéro, ibid., n° 192, 12 septembre 1885, p. 560.

56 GREFFIER Jean, « Les poètes, boulevard Rochechouart », ibid., n°4, 4 février 1882, p. 4.

57 GOUDEAU Émile, « Il faut lutter », ibid., n°13, 8 avril 1882, p. 1.

58 Ce réalisme conversationnel est prisé notamment dans les monologues d'Alphonse Allais, de Robert Caze (« Le Bouche trou », ibid. n°77, 1884) et dans les dialogues de Jules Jouy reproduisant les conversations des passagers de l'omnibus (« Le Cache-Nez : dialogue omnibus », ibid., n°104, 1884).

59 BEJOT Alfred, « Peur bleue d'un lancier vert », [monologue pour Galipaux], ibid., n° 311, 24 décembre 1887, p. 1038.

60 VOX POPULI, « La Marseillaise des Chats Noirs », ibid., n° 56, 3 février 1883, p. 16.

61 « Il y avait une fois, un roi, une reine, et tout ce qu’il faut pour écrire. Il n’en faut pas davantage pour faire un conte. La reine était belle comme une dividende et tous ses sujets ambitionnaient de la toucher. » SOMM Henri, « Conte pour rendre les petits enfants fous », ibid., n°54, 20 janvier 1883, p. 8.

62 JOUY Jules, « Demandes et offres d’emplois insertions gratuites », ibid., 4 février 1882

63 JOUY Jules, « Bouquets de pensées », ibid., série parue en 1884 aux numéros 128, 129, 131, 133.

64 JOUY Jules, « Pantomimes Express », ibid., n°137 et 140, année 1884.

65 STEINLEN Théophile-Alexandre, « Flagrants délits : Outrage à la morale », ibid., n° 407, du 2 novembre 1889, « Flagrants délits : Outrage à la pudeur », ibid., n° 412, du 7 décembre 1889, « Flagrants délits : Maldonne », ibid., n° 416, du 4 janvier 1890.

66 Voir GROJNOWSKI Daniel, Comiques d’Alphonse Allais à Charlot : le comique dans les lettres et les arts, « Alphonse Allais, la fantaisie carnavalesque dans A se tordre »,Presses universitaires du septentrion, Villeneuve d’Asq, 2004.

67 Selon le témoignage d'Emile Goudeau, il y avait un chat noir en potence, à l'extérieur de l'établissement, un chat noir sur le vitrail, une énorme tête de chat entourée de rayons au-dessus du comptoir, une toile de Willette, Les Deux Amis, représentant une jolie blonde, un chat noir sur l'épaule

68 Voir réclame, Le Chat noir, n° 449, 23 août 1890, p. 1596.

69 « Bibliographie », ibid., n° 259, 25 décembre 1886, p. 832. Citons également l'album Les Rondes du valet de carreau, chansons enfantines composées par Marcel Legay, préface de François Coppée, texte de George Auriol, illustration de Steinlen, éditeur Flammarion, Paris, 1887.

70 STEINLEN Théophile-Alexandre, «  Un discours de Rodolphe Salis », Le Chat noir, n°251, 30 octobre 1886, p. 251.

71 STEINLEN Théophile-Alexandre, « Le Cheval susceptible », « Mêle-toi de tes affaires ! Hé ! Feignant ! », ibid., n°438, 7 juin 1890, p. 1553.

72 GODEFROY, « Intermède », cadrage à effet de zoom et crayonné en zigzag suggérant une envie pressante, 21 juillet 1888, p. 1159.

73 Voir DIDIER Bénédicte, « Les revues bohèmes de la fin du XIXe siècle, un espace de création et de récréation », L’Europe des revues (1880-1920), dir. Evanghelia Stead, Hélène Védrine, p. 253-274.

74 WILLETTE Adolphe, «  Les petits oiseaux meurent les pattes en l'air », ibid., n °105, 12 janvier 1884, p. 7.

75 SOMM Henry, «  Hu-yo-katzi », ibid., n° 373, 9 mars 1889, p. 1290.

76 Entrefilet, Le Chat noir, n° 331, 19 mai 1888, p. 1121.

77 Entrefilet, ibid., n°328 bis, 28 avril 1888, p. 1110.

78 GORDON Rae Beth, « Le Caf’Conc’ et l’hystérie », in Romantisme, 1889, vol. 19, n°64, p. 53-67.

79 FERDINANDUS, « L'Etoile et le pompier », ibid., n°142, 27 septembre 1884, p. 359.

80 La figure androgyne de Sarah Bernhardt déguisée en homme, plaît beaucoup au Chat Noir : voir le numéro 17, 6 mai 1882, dessin de Willette « Le Chat Noir à Félicien Champsaur ». Les relations saphiques font l'objet de nombreux poèmes parmi lesquels celui de Jean Lorrain mettant en scène de « sveltes Arlequines » dans le poème « Coquines », n° 98, 1883.

81 GALICE, « L'Aumône de la pécheresse », ibid., n° 360, 8 décembre 1888, p. 1239.

82 D'ORFER Léo, « Tenoukla », Ourida la belle musulmane enchante les nuits du poète, ibid., n° 82, 4 août 1883, p. 118. AURIOL George, «  Le fallacieux serpent jaune », ibid., n° 128, 21 juin 1884, p. 302.

83 KAENEL Philippe, « Du Chat Noir au Sapajou – Les échanges artistiques et satiriques entre Paris et la Suisse autour de 1900 », in L’Europe des Revues (1880-1920), op. cit., p. 225 à 247.

                                                                                               

                                                                                           

 

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1Fin novembre 1881, Salis rencontre Émile Goudeau au Cabaret de la Grande pinte, rue des Martyrs. Goudeau impressionné par la faconde du « gentilhomme-cabaretier » scelle une alliance décisive avec le Chat Noir le soir de l'inauguration. À sa suite, les poètes du cercle de L'Hydropathe et de la revue du Tout Paris (parmi lesquels Gaston Sénéchal, Georges Fragerolle, Fernand Crésy, Maurice Bouchor, Gustave Kahn, Armand Silvestre, Léo Trézenick ...) fréquenteront le cabaret et collaboreront plus tard dans le journal. Émile Goudeau en sera le rédacteur en chef de 1882 à 1884 : dans ses mémoires intitulées, Dix ans de Bohème, il attribue la création du journal illustré à « la présence de quelques poètes ». Par conviction ou par intérêt, Rodolphe Salis finança le journal qui bénéficia d'un certain succès – il passera de 12000 à 20000 exemplaires (justifiés) de 1882 à 1895.

2« La gazette, de son côté, se répand de toutes parts, apprivoise les messageries, s'impose aux kiosques, fleurit les gares, escalade les poteaux frontières avec l'assurance volubile d'un joyeux liseron », George AURIOL, « Rodolphe Salis et les deux Chat Noir », préface de 1927 aux Contes du Chat Noir de Rodolphe Salis. Préface reproduite par VELTER André, Les Poètes du Chat Noir, Poésie/Gallimard, Paris, 1996, p 70. « [J]'entrai dans un café : - Garçon un grog tiède et Le Chat noir. Tels furent mes premiers mots en m'installant sur la banquette de velours », GANDILLOT Léon, « Une leçon de savoir vivre », Le Chat noir, n°434, 10 Mai 1890, p. 2.

3Le Chat noir , n°13, 4 août 1882 , p. 4.

4Au Chat Noir, les chansonniers dits « modernes » trouvent leur « personnage scénique » : Aristide Bruant commence à revêtir sa tenue de garde-chasse, sa chemise et son cache-nez écarlates, une grande cape noire en guise de manteau et un feutre noir à large bords comme couvre-chef. Des poètes musiciens lancent le statut d'artiste interprètes au piano comme Maurice Rollinat ou Marie Krysinska. Voir à ce sujet l'article de GADEN Élodie, « Marie Krysinska, vers une poésie scénique ? », Marie Krysinska (1857-1908) : innovations poétiques et combats littéraires, A. Paliyenko, G. Schultz, S. Whidden, M. Murat (dir.), Presses de l’Université de St-Étienne, 2010, p.65-74.

5 « Déjeuners, dîners et soupers à la carte à des prix très modérés. Spécialités de la maison : écrevisses au vin blanc –

Filet mignon à la sicilienne – Pommes pailles etc. Boissons américaines et anglaises. », Le Chat noir, n° 384, 25 mai

1889, p. 1334.

6 « LE CHAT NOIR Cabaret véritablement extraordinaire, est le coin le plus curieux du monde. – Les gens de lettres

et les peintres célèbres, les gens du monde les plus connus s'y donnent quotidiennement rendez-vous », ibid. , n° 15,

22 avril 1882, p. 4.

7 Ibid. , n° 433, 3 mai 1890, p. 1534.

8D'après les témoignages, l'Institut, situé au fond du cabaret, était précédé de quelques marches et d'un rideau théâtral.

9BLOY Léon, « Le gentilhomme cabaretier », Le Chat noir, n° 98, 24 novembre 1883, p. 182.

10Divers entrefilets annoncent aux lecteurs qu'il peut se procurer au cabaret du Chat Noir des œuvres très variées : « la brochure du journal « La Comédie humaine » consacrée à la littérature actuelle en vente au cabaret », ibid., n°8, 4 mars 1882, p. 4. « A. de Sta vient d'illustrer avec le talent que nous lui avons reconnu dans l'illustration de la chanson Le Colonel, le chœur des soldats du Petit Faust. En vente au cabaret du Chat Noir. », ibid., n°7, 25 février 1882, p. 4.

11« Les amateurs désireux de s'assurer les éditions de grand luxe sur papier de Chine, japon et parchemin (leur tirage étant très limité) sont instamment priés de s'inscrire dès maintenant au Chat Noir, car les livraisons épuisées ne seront pas réimprimées. » L'Album du Chat Noir, fascicule n°1, en vente au Chat Noir, 12, rue de Laval, publié sous la direction de Rodolphe Salis et d'Henri Rivière, 1885/1886, p. 11.

12 « Les matinées musicales du CHAT NOIR - Tous les mardis, jeudis et samedis de 4 heures et demie à 7 heures.

L'orchestre et les chœurs sous la direction de M. Charles de Sivry. ». Le Chat noir, n° 205, 12 décembre 1885,

p. 610.

13 « Tous les dimanches, goguette du Chat Noir.  Les chansonniers désireux de se faire entendre sont priés de

s’adresser à M. Rodolphe Salis. », ibid. , n° 311, 24 décembre 1887, p. 1038.

14Première réclame dans le journal en 1885 : La Berline de l’Émigré, pièce en un acte de Henry Somm. On annonce la première de cette inénarrable pièce au « Guignol du Chat Noir » pour le 25 décembre, Le Chat noir, n° 207, 26 décembre 1885, p. 618. « Tout Paris vient au Chat Noir pour admirer cette ravissante inauguration des ombres japonaises ! 1808 ! La grande épopée de Caran d'Ache et la tentation de Saint-Antoine de Henri Rivière obtiennent tous les soirs un immense succès. », « Les Ombres japonaises du Chat Noir », ibid. , 26 juin 1886 n° 233, p. 728.

15GOUDEAU Émile, « Bulletin littéraire du Chat Noir », ibid., n°103, 29 décembre 1883, p. 201.

 

 

 

 

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