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Bohème littéraire
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17 novembre 2015

ZOLA DANS LES PETITES REVUES

 

Chers lecteurs, chers lectrices du blog  "Bohème littéraire",Afficher l'image d'origine

          Alors que Zola figure cette année au programme de l'agrégation de lettres, je me suis replongée dans l'oeuvre titanesque des Rougon-Macquart.  A cette occasion, je me suis souvenue de ce que j'avais lu il y a quelques années dans les "petites revues bohèmes" à son sujet. Les propos des rédacteurs de ces revues sont souvent très durs et bien curieux pour les lecteurs que nous sommes.

            Permettez que je vous livre ici ces quelques extraits de ma thèse ....

 

                                         

                    1°) ZOLA dans le journal du  Chat Noir :

 

               Émile Zola est particulièrement mis à mal au Chat Noir, bien qu’il se trouve encore loin des consécrations suprêmes.

             On rit des allures scientifiques du naturalisme sur des sujets parfois scabreux  :

             Les travaux remarquables de M. Zola sur l’Hérédité et la Dégénérescence ; ses digressions magistrales dans le domaine de la Pathologie et celui de l’Obstétrique ; son éblouissante étude sur l’Ultracuite ; son incomparable description de la variole putréfiante chez la femme de trente ans ; et surtout les recherches qu’il n’a pas craint d’entreprendre sur les accidents syphilitiques immédiats et congénitaux (Le Chat Noir, n° 102, 1883)

           Et Schmitt, l’auteur de cette rubrique, ajoute qu’il faudrait nommer M. Émile Zola à l’Académie libre des sciences biologico-sociologico-snobo-empirique. Émile Zola est donc une source intarissable de rigolade au Chat Noir, auquel le journal consacre une série de canulars, demandant par exemple, que l’on élève une statue à Balzac au lieu de rendre hommage à M. Zola. Un tableau comparatif de ces deux hommes de lettres tend à justifier la supériorité de Balzac, dès le numéro 71, établissant en conclusion que Zola réussit à gagner 1.000.000 de francs par ses œuvres alors que Balzac, qui avait acquis la gloire, n’avait pas de statue. Ce constat fumiste s’était si bien répandu parmi les artistes que Trudaine de Lavenue en témoigna lors d’un épisode de sa série « Grand Reportage», en ces termes :

           À côté de Balzac, M. Zola est un imbécile ; alors qu’Honoré se donnait la peine de fouiller son âme, de noter les sentiments, et de conclure à des théories d’une philosophie profonde, M.Zola se contente de détails matériels, ne fait point ressortir la poésie d’un événement, et tandis que M. H. de Balzac était peintre, M. Zola n’est que photographe.

 

             Zola « écrivain français » comme le surnomment ironiquement les rédacteurs du Chat Noir, devient une personnalité bouffonne dans le périodique, alors que couramment, paraissent au Chat Noir les récits naturalistes de Dubut de Laforest et de Francis Enne. Par contre, les critiques sont unanimement défavorables à l’égard des frères Goncourt et de Georges Ohnet.

 

 

                          2°) ZOLA dans Le Décadent d'Anatole Baju :

Dans le Décadent, Zola est une cible pour qui veut s’attaquer à la figure d’un écrivain à succès. Zola en littérature est pour l’auteur de la rubrique « Revue parisienne»,  l’égal de Grévy et de Wilson en politique, c’est-à-dire un imposteur : « Et dire que ces messieurs font les délices du monde chic et que quand un décadent se cambre pour expectorer ses protestations au nom de l’art et de la morale, on le traite de fumiste ! ».

 

Par opposition à Zola, les Décadents se disent être des « intransigeants de l’art ». Ils se donnent pour ligne de conduite de respecter leur art sans se soucier de la reconnaissance du public. Baju précise dans l’article « Les Parasites du Décadisme » que « l’idée du décadisme est pure de tout mercantilisme. La passion de l’art nouveau est plus importante que les gains». Selon l’auteur d’une chronique littéraire dans le numéro 3 du Décadent, les jeunes ont voulu délibérément se rendre inaccessibles au public en vêtant des formes laborieuses, des idées abstruses car ils jugeaient que le public était traité en enfant gâté par les écrivains : « Le public s’en irrita et se vengea en les appelant décadent. Mais c’est un honneur si décadent veut dire : « Tout artiste qui écrit en dehors des préoccupations du public, avec l’idée bien arrêtée de ne rien sacrifier de son art en vue d’applaudissements. »

Zola est aussi le représentant d’une école à l’opposé du mouvement décadent. Au rêve elle oppose la réalité brute, à l’idéal elle oppose le matérialisme le plus concret. De plus là où Zola « s’est contenté d’être un peintre, un photographe », les décadents ont transfiguré, retravaillé le réel. Louis Pilate de Brinn’gaubast précise : « Zola prend une pose (grotesque ! ) prenant des notes sur des sujets qu’il ignorera quand même, ces notes contradictoires dont il fera, le pauvre homme, des 5 ou 600 pages non moins belles qu’indigestes, gonflées d’une prétentieuse vérité sans exactitude".

Selon Ernest Raynaud le monde « n’est qu’un mode d’interprétation de l’intelligence et de la sensibilité, qu’une projection de la personnalité ». La littérature décadente consiste à dégager le vrai par une étude objective. Mais les procédés sont différents de ceux utilisés par les naturalistes : « Les naturalistes procèdent par induction et les Décadents par déduction."

 

Face à la consécration officielle du naturalisme, Anatole Baju poursuit la comparaison entre le naturalisme et la politique gouvernementale  : « Le naturalisme est avoué littérature d’état, littérature officielle, littérature nationale […] le gouvernement d’aujourd’hui étant tout désigné pour prendre à sa remorque la plus vomitive des écoles littéraires. » Cette idée est soutenue aussi par Louis Villatte au numéro 26 à propos des frères Goncourt. D’après le chroniqueur, Germinie Lacerteux aurait été huée par le public mais le sénat a protesté. M. Lockroy, ministre de l’instruction publique, se serait fait l’avocat de « cette littérature déprimante ». Le caractère très officiel du naturalisme d’après les jeunes revuistes attise encore plus la haine. En effet, on sait combien les bohèmes refusent la « nourriture littéraire » officielle  assimilée à la classe dirigeante. De plus, Zola fait figure d’opportuniste et de vulgaire marchand car il a accepté des décorations qu’auparavant il refusait : « Zola est un émérite brouanteur de papier. Il accepte la croix parce qu’il s’imagine par-là favoriser son commerce ! Il n’y a pas de doute ; il accepterait aussi un siège à l’Académie française pour le même motif

 

          Le chef de file du naturalisme est alors taxé de « pornographe » de « subalterne industriel». La critique tournait quelquefois à la plaisanterie douteuse comme en témoigne cet article extrait des Pronostics pour l’année 1887, signé Jules Lemaitre :

         Les littérateurs feront de plus en plus, en 1887, ce qu’ils faisaient en 1886. M. Émile Zola publiera un roman de sept cents pages intitulé La Terre. Et le livre sera épique et pessimiste. Il faut qu’il le soit, mais M. Zola ne le peut pas.

Et le roman commencera ainsi :

« Le soleil tombait d’aplomb sur les labours…L’odeur forte de terre fraîchement écorchée se mêlait aux exhalaisons des corps en sueur…La grande fille, chatouillée par la bonne chaleur, riait vaguement, s’attardait, ses seins crevant son corsage….

-Nom de D….. fit l’homme ; arriveras-tu, sa..pe ?"

 


 

 

 

 

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