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Bohème littéraire
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18 novembre 2009

« En joie et sans denier », l'histoire du club des Hydropathes

 La Salle du Café de la rive Gauche à l'angle de la rue Cujas et du Boulevard St Michel fut investie par une horde de jeunes bohèmes chevelus un soir, celui du 5 octobre 1878. Émile Goudeau, Abram, Georges Lorin, Maurice Rollinat y sont attablés. Ils décident de réserver la salle une fois par semaine, le vendredi,  avec pour engagement d'amener chacun 4 amis.
Le Vendredi 11 octobre 1878, plus de 70 personnes s'entassaient dans le bocal. Goudeau agita sa sonnette et  ainsi naquit la première séance du Club des Hydropathes (du nom d'un animal fabuleux aux pattes de cristal dixit Goudeau).
 La semaine suivante on comptait 150 auditeurs contraints faute de place à stationner dans la salle de billard, dans l'escalier voire dans les W.C !

Paul Mounet déclamait du Victor HUGO " Waterloo, Waterloo, Waterloo, morne plaine...."

Emile Goudeau, improvisateur sans égal, railleur lyrique offre à l'assistance ces vers :

"A la piste des passions,

Dans le steeple-chase des vices,

J'ai laissé des lambeaux de mes illusions

A tous les buissons d'écrevisses."

 

 Goudeau n'est pas de ceux qui se déconcertent ou perdent leurs jours à déplorer un amer destin. Goudeau est une nature virile se ressourçant dans la vieille souche gauloise. Il fut selon le mot de Léon Bloy à son sujet "un esclaffeur large et puissant".

Georges Lorin , d'une voix neigeuse scandait ses vers :

« Une dame à soi ? C’est tentant !

D’y penser j’en suis haletant….

Hélas ! moi je les aime tant

Que je voudrais les avoir toutes … »

 

 Fin humoriste autant que poète, Georges Lorin était un spirituel caricaturiste, un habile aquarelliste, un peintre original et un sculpteur puissant. On lui doit notamment, un bas-relief (« Cri de plâtre exaltant l’angoisse de la terre ») à la mémoire de Maurice Rollinat, son ami intime. « Papillon de la fantaisie greffé sur le mal d’exister », Georges Lorin fut le chantre des Boulevards parisiens dont il avait fait son salon :

« Je rêve d’un salon haut d’au moins six étages,

Long corridor sans fin, large de trente pas,

Où la foule fluide aux gais papillotages

Viendrait charmer mes yeux par ses houleux appas.

Or, ce salon je l’ai dans toute sa folie,

Ce sont les boulevards et leur diversité….

Eux seuls savent passer sur ma mélancolie

Comme un vernis de calme et de sérénité. »


 Maurice Rollinat, incomparable diseur de vers, se transfigurait en effleurant le clavier de ses doigts inspirés :

« Oh ! ce que je rêve est horrible : - Mon hôte

poursuit la servante avec un vieux licou…

J’accours ! mais je tombe un couteau dans le cou,

Éclaboussé par sa cervelle qui saute…

Nous sommes bien seuls au bas de cette côte ! »

 

Poètes chansonniers, monologuistes, musiciens, littérateurs, « déclamateurs », adhéraient en masse à une doctrine que nous reproduisons ici :

Les Hydropathes ne sont pas une coterie. La doctrine hydropatesque consiste précisément à n’en avoir aucune. Le talent, d’où qu’il vienne, quelque forme qu’il revête, est accueilli à portes ouvertes. Le public réuni là juge silencieusement. Il aime l’un, déteste l’autre. Il suffit de se présenter pour être admis. Le public est notre juge en dernier ressort ; il n’y a qu’une Cour de Cassation qu’on appelle la Postérité, mais elle se réunit rarement du vivant de l’auteur. Aux Hydropathes le public est non seulement juge en dernier ressort, mais aussi en première instance. La tribune se dresse, vous y montez, vous y parlez, et, en face de vous, directement, en pleine lumière, vous avez le monstre à mille têtes qu’il faut dompter, séduire et rendre doux. Qu’on ne dise pas qu’à venir dans la foule on risque de perdre sa valeur par des concessions. Ce sont les faibles peu sûrs d’eux-mêmes qui le disent. Quant aux puissants, ils aiment la foule perce qu’ils espèrent la dominer.

Jules Laforgue, se faisant le porte-parole de ses camarades rimeurs écrivit à l’issue d’une séance du club :

« J’ai vu des poètes infâmes

Dire des vers sur des tréteaux,

Dans un bouge aux noirs escabeaux,

Parmi la puanteur des femmes.

Moi, comme pris d’un vin qui grise,

Rêvant de succès généreux

Vain et lâche, j’ai fait comme eux

J’ai déballé ma marchandise ! »

 

En dépit d’un article des statuts, alors d’usage, des femmes furent pourtant admises aux Hydropathes, les unes à titre de membre actif comme Marie-Anne Krysinska de Levila dite Maria Krysinska, et d’autres à titre de membre honoraire comme Rosine Bernard, dite Sarah Bernard.

Au printemps de l’an 1880, le clan des « Fumistes » se rebella contre une discipline que Goudeau essayait vainement d’imposer. Une querelle éclata entre un certain Latour et les deux compères Alphonse Allais et Sapeck. Goudeau, furieux d’avoir été hué au moment où il voulait prendre la défense des fumistes, sortit. Une carte de membre fut crée, le prix de la carte était à 1 franc. En juin 1880, 3 fumistes se font remarquer une nouvelle fois en allumant un feu d’artifice dans le jardinet attenant à la salle de concert, créant ainsi un mouvement de panique ! Goudeau, indulgent et complice une nouvelle fois, se fait prendre à partie par divers membres du club. Cette fois-ci, il s’en va en jurant de ne plus revenir.

En septembre 1881, les Hydropathes désemparés cherchent à se reconstituer : finalement ils formeront le club des « Hirsutes » sous la présidence de Maurice Petit.

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Commentaires
L
Je voudrai savoir
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S
Bonjour<br /> Je viens de découvrir votre blog et notre intérêt commun pour cette riche époque...<br /> Je vous envoie l'adresse du site où je présente quelques extraits d'un manuscrit qui a joué de malchance mais la chance est un petit animal mobile n'est-ce pas ?<br /> Bien cordialement<br /> dans l'esprit chatnoiresque<br /> Sophie
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