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Bohème littéraire
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24 mai 2009

Charles Morice

Charles Morice a collaboré a plusieurs journaux et revues. Il a fondé Lutèce. Il a publié à Bruxelles L'Action humaine, revue bimensuelle entièrement rédigée par lui où parurent Noa Noa, Le Rideau de pourpre, Notations, Méditations esthétiques etc. Charles Morice collabora également au Mercure de France et à Vers et prose.

Né le 15 mai 1861 à Saint-Etienne (Loire), Charles Morice fit ses études à Lyon. Il vint à Paris dès 1881, se lança dans la littérature, fonda avec Léo Trézenick (Léon-Pierre -Marie Espinette) la gazette littéraire Lutèce, restée célèbre, et devint bientôt l'ami de Villiers de l'Isle-Adam, de Mallarmé et de Verlaine, qui lui dédia ce sonnet :

Charles MORICE

Impérial, royal, sacerdotal comme une

République française en un quatre-vingt-treize,
Brûlant empereur, roi, prêtre dans la fournaise
Avec la danse, autour, de la grande Commune ;

L'étudiant et sa guitare et sa fortune
A travers les décors d'une Espagne mauvaise,
Mais blanche de pieds nains et noire d'yeux de braise,
Héroïque au soleil et folle sous la lune ;

Néoptolème, âme charmante et vaste tête,
Dont je serais en même temps le Philoctète
Au cœur ulcéré plus encor que la blessure,

Et par un conseil froid et bon parfois d'Ulysse, -
Artiste pur, poète ou la gloire s'assure,
Cher aux lettres, cher aux femmes, Charles Morice.

Paul Verlaine


      A ce portrait lyrique, il convient de joindre celui-ci, par Jean Dolent (Portraits du prochain siècle):

"        Dédaigneux des lieux accessibles, tout à son rêve, le rêve de l'infini, il va. Ah ! quand Morice parle ! il rejoint la simplicité au-delà de l'emphase. Sa conception du bonheur est la recherche de l'harmonie par le chiffre d'un contour et la couleur ; son désir s'élève vers une beauté redoutable, une beauté aggravée de mystère.
           Disposant de la grande prose et du vers, maître des formes, lucide lentement avec une mollesse tragique ; après le deuil des beaux premiers espoirs, il va tout enrubanné d'espoirs nouveaux.  Ses rêves et mes rêvasseries se croisent. Il juge et ses fureurs d'artiste répondent à mes cruels désirs. Il se juge, et sa douleur et son orgueil en sont accrus"


       Charles Morice, disciple de Stéphane Mallarmé, fut l'un des théoriciens du symbolisme. Charles Gidel écrivait dès 1891 :

"       M. Verlaine a déjà perdu la direction de l'école symboliste. Sous ses yeux, un nouveau groupe s'est choisi un nouveau maître. Esthètes nouveaux, Jeunes éphèbes, suivent l'enseigne aujourd'hui de M. Charles Morice, auteur d'un volume intitulé : La littérature de tout à l'heure (1889). Ces symbolistes émancipés ne sont, à vrai dire, ni une école, ni une coterie ; ils sont un groupe flottant. Ils adorent, sans s'y rattacher tout à fait, Villiers de L'Isle-Adam, Stéphane Mallarmé, Paul Verlaine, mais ils poussent plus loin la doctrine de ces poètes. Ils répudient les traditions dont la littérature a vécu jusqu'ici. Ayant en profonde horreur le convenu et le vulgaire incapable de produire rien de parfait, ils proclament ce principe : l'art doit être vague et nuageux. Il est un composé d'irréel et de fluide. Il rejette tout ce qui est net, clair, fixe, car la nature du beau est d'essence insaisissable. Suivant, M. Charles Morice, le Réalisme n'était qu'un bas-fond vaseux ; le Naturalisme ne voyait les choses que par en bas ; il était devenu nécessaire de regarder en haut et d' y chercher un idéal : Dieu et l' Au-delà, si l'on veut. Les naturalistes avaient "le vrai" pour objet principal ; ils prétendaient ne trouver le beau artistique que dans la reproduction exacte de la nature laide et sale. Il suffisait de lever la tête vers un art plus noble. Le Beau ne peut être défini. Cependant d'après Charles Morice, "il est essentiellement l'aspect en beauté des idées religieuses d'une race et d'une époque vivante..." L'initiale prudence de l'artiste est d'éviter la précision, car, plus une "pensée est grande, et plus il faut la voiler, comme on enveloppe de verre les flammes des flambeaux et des soleils. Le rythme est tout dans cet art, les mots n'ont de valeur que par leurs assonances musicales et leur couleur se perdant dans l'invisible d'un lointain symbole". Tout l'art symbolique est dans ce mot : la SYNTHESE. "La grande destinée de la poésie est de suggérer tout l'homme par tout l'art".

            Voici comment raisonne Charles Morice : l'homme a été étudié dans son âme, dans ses sentiments et dans ses sensations. Les époques classique, romantique et naturaliste s'y sont employées par l'analyse. La poésie nouvelle doit faire maintenant la synthèse de ces forces acquises durant trois siècles de labeur. Venant après les autres, les Symbolistes, sans rien oublier des conquêtes du romantisme et du naturalisme, doivent songer à mettre une âme dans un corps agissant, et pour cela retourner aux traditions spirituelles et classiques, avec cette différence que le temps des idées générales est passé. L'analyse classique pour étudier en eux-mêmes les éléments du sentiment, l'analyse naturaliste pour étudier en eux-mêmes les éléments de l'âme, l'analyse romantique pour étudier en eux-mêmes les éléments de la sensation, ont pu se contenter d'exprimer leur objet particulier tel qu'elles l'avaient dégagé de ses entours ; mais la synthèse ne peut se localiser, ni dans  la pure psychologie passionnelle, ni dans la pure dramatisation sentimentale, ni dans la pure observation du monde tel que nous le voyons dans l'immédiat, puisqu'elle risquerait également dans les trois domaines de cesser d'être la synthèse et de redevenir l'analyse : d'où l'évidente nécessité de la fiction symbolique, libérée aussi bien de la géographie que de l'histoire, dans l'abstraction, le rêve, le symbole. Sur ces trois mots qu'il emprunte à Taine, Charles Morice établit tout l'édifice du symbolisme. Il distingue une question de fond et une autre de forme. Quant au fond, C.  Morice dit : "Ceux qui viennent, c'est-à-dire les Esthètes nouveaux, ont ce double trait commun : un sentiment très vif de la beauté et un furieux besoin de vérité." Cette vérité pourtant n'apparaitra jamais dans une clarté limpide, car le maître dit à ses élèves : "Ta pensée, garde-toi de la jamais nettement dire. Qu'en des jeux de lumière et d'ombre elle semble toujours se livrer, et s'échapper sans cesse." Quant à la forme, il estime que les procédés qui ont suffi à l'analyse du composé humain ne suffiront pas à la synthèse. A son avis, une langue neuve est nécessaire. "Pour moi, dit Charles Morice, j'aime les mots vieillis à l'excès ; ceux qui sont comme des médailles sans relief, indistinctes et frustes... Le mieux est d'avoir une langue "qui n'ait rien en commun presque avec la langue usuelle des rues et des journaux".
        Dans une conférence donnée à Genève le 4 novembre 1892, M. Charles Morice a défini en ces termes le rôle de la poésie :
"Bien loin que son rôle se réduise à quelque secondaire emploi de gracieuse inutilité, la poésie détient la principale force et la plus précieuse richesse de l'humanité moderne. "Pour M. Charles Morice, la poésie est, "par la beauté, l'expression humaine de la notion divine".


source : G. Walch, Anthologie des poètes français contemporains, tome III, p. 391-394.
                               

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