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Bohème littéraire
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24 janvier 2009

UN POEME EN VERS LIBRE DE LEON GANDILLOT

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           Léon Gandillot fut un vaudevilliste à succès ; on lui reconnaît une verve drue et aisée.  Il fut selon Jules Lemaître "l'individu le plus gai de sa génération". Son physique marque les esprits : on dit de lui qu'il a la tête de Tibère jeune mais sans la cruauté du prince. Selon l'avis de Jules Lemaître dans Impressions de théâtre, Léon Gandillot avait eu le talent de raviver le genre burlesque et bouffon.
     Dans ce poème, Gandillot pastiche le vers libre symboliste de Gustave Kahn et de ses confrères. Le sujet choisi "les maîtresses des poètes" est un clin d'œil au monde amusant et débraillé de la bohème.






(Paru dans Le Chat noir le 23 mai 1891)le_chat_noir_001

LES UNES ET LES TOUTES

Les maîtresses des poètes sont maigres
Avec des bras qui étreignent convulsivement
Et dont les dessous ont des relents aigres,
Fallacieux cinnames pour l'amant.

Nous qui professons pour la poésie un dédain superbe,
Nous préférons des femmes au corps quotidiennement baigné
Dont le ventre dodu s'engerbe
D'un gazon d'or, de vanille imprégné.
Et leur sexe jamais ne s'exacerbe.

Les maîtresses des poètes sont implacablement fidèles
Ou bien trompent avec multiplicité.
Les nôtres et c'est pour cela que nous ne faisons pas fi d'elles,
Savent garder de toute authenticité
Trahison ou fidélité
Et nous laissent coquettement dans l'obscurité.                        

Les maîtresses des poètes sont vieilles
Relativement.
Elles n'ont pas encore de poils aux oreilles
Mais approximativement.
Car il n'est plus, s'il fut jamais, le temps où la jeunesse
Des filles s'engluait au rythme des chansons
Et n'est-ce
Pas que les filles ont de très bonnes raisons ?

Les maîtresses des poètes sont expertes,
Fertiles en inventions
Et leurs investigations
A certains dirent amènent d'aimables découvertes.
Les nôtres sont toutes d'indolence
Sans pour ce de la somnolence
Mais du vague badin
Quelque chose de très fin.
N'aiment point faire, aiment qu'on fasse,
Ce détail surtout ne me déplaît pas,
Quand de mon baiser long, long, long, je la pourchasse,
Que ma belle au même cas
Se plaise à jouer : puer, abige muscas.


illustration : portrait de Léon Gandillot, collection Felix Potin et dessin de Steinlen "L'Eté" paru dans Le Chat noir, n°86, 1883

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